Amélie

 

Il y a de la dispute dans l'air. Cathy veut - ou ne veut pas - ce qu'Amélie veut - ou vice versa. Le ton monte, ponctué de « Non ! » et de « Si ! » de « Je te jure que tu me le paieras... » et de « Si tu fais ça, ça va mal se passer... » tant et si bien qu'à la fin il passe la tête par la porte et demande au juste ce qui se passe. Les deux jeunes filles aussitôt s'écartent, se regardent puis presque aussitôt leurs chaussures et se taisent.
— C'est tout ? fait-il. Bon. Dans ce cas, j'y retourne.
A peine a-t-il disparu que la dispute reprend de plus belle. Alors, lassé, il y revient, bien décidé cette fois à faire cesser le vacarme.
— Mais c'est Cathy qui... proteste la jeune stagiaire.
— Pas du tout ! s'indigne Cathy. Depuis ce matin Amélie n'arrête pas de m'embêter pour...
— Arrête ! l'interrompt vivement Amélie. Tu m'avais juré de ne pas lui...
— Quel que soit l'objet du litige, dit-il, je voudrais qu'il se règle rapidement. De quoi s'agit-il ?
Silence. Il insiste.
— C'est... c'est quelque chose que j'ai écrit, dit alors Amélie d'une toute petite voix, et j'aurais bien aimé avoir votre avis...
— Eh bien voilà. Cathy, faites-moi passer le texte d'Amélie, et qu'on n'en parle plus. C'est entendu ?
Les deux filles acquiescent. Il regagne son bureau et reprend son travail.

Le texte d'Amélie, il ne le lit que sur le coup de sept heures. Le texte, enfin si tant est que l'on puisse parler d'un texte...
Il s'est installé sur le canapé et moi dans le fauteuil d'en face. Je le regarde sans savoir trop quoi dire. Lui continue de me parler gentiment, de moi, de mon appartement, de mon chien, du temps qu'il fera demain, de tout et de rien mais j'ai l'impression qu'il fait plus ça pour me rassurer car il doit sentir que je panique. Il boit lentement son whisky et au bout d'un moment il se lève et se rapproche de moi sous prétexte de regarder un tableau accroché derrière moi. Cette proximité me fait frémir encore plus. Je suis sur le point de filer à la cuisine pour finir de préparer le dîner lorsque je sens sa main appuyée sur mon épaule qui glisse lentement le long de mon cou. Je suis pétrifiée, je sais que cette fois c'est trop tard et que je vais me donner à cet inconnu. Sa main glisse le long de mon cou, puis il se penche sur moi et je sens sa bouche chercher la mienne. Il m'embrasse fermement, avec force et assurance, sa langue puissante enlace la mienne. Ce baiser me fait fondre un peu plus encore. Je sens ses doigts experts dégrafer ma robe. Je le laisse faire. Au contraire j'ai envie de plus, j'ai envie de tout, d'autant plus que je sens son sexe très dur contre mon bras.
Il me fait me relever. Je pense un instant que je suis devant la porte vitrée du salon et qu'avec la lumière on doit pouvoir nous voir de la rue. Mais lui n'en a cure et ses attouchements répétés me font bientôt oublier tout cela. Il relève et ôte ma robe et je retrouve en sous-vêtements devant lui. Et quelques instants après complètement nue devant cet homme qui entreprend de me manger la chatte lentement et avec délicatesse puis de plus en plus goulûment au cours du temps. Et bien sûr ma petite minette coule de bonheur sous ses baisers goulus. Moi debout cuisses écartées et lui entre mes cuisses en train de me dévorer.
Ensuite il se relève et se déshabille près de moi. Son engin est gros et déjà dur et gonflé pour moi. Son regard m'invite à m'occuper de son chibre. Aussi je m'agenouille devant lui et entreprends de le lécher. Entre mes lèvres je sens bien à quel point il est gros, épais, et bien dur. Il me maintient la tête et m'invite à le pomper en me traitant de " Bouffeuse de bite " ce qui me choque évidemment. Et il ne tarde pas à jouir, je n'ai que le temps de me dégager. Il m'asperge la figure de son foutre et m'en met aussi plein les cheveux.
— Maintenant si nous dînions ! Je le trouve gonflé et malpoli. Et il ajoute : J'aimerais que vous me serviez mon repas complètement nue.

Le lendemain il invite Amélie à déjeuner.
— Vous l'avez lu ? lui demande-t-elle, très inquiète. J'ai... J'aimerais bien arriver à écrire des choses comme vous faites, mais je me rends compte que c'est très difficile. Qu'est-ce que vous en pensez ?
— Quel âge avez-vous ?
— Dix neuf ans.
— Vous avez un copain ?
— Oui. Enfin... en ce moment il est parti travailler à l'étranger...
— C'est en pensant à lui que vous avez écrit ce texte ?
— Oui... Enfin un peu, quoi.
— Mais alors pourquoi parler d'un « inconnu » si vous pensiez à votre ami ?
— Parce que ce n'était pas exactement lui... Enfin je ne sais pas. Lui et un autre.
— Il vous embrasse fermement, votre copain, avec force et assurance  ?
— Non. Enfin je ne sais pas...
— Il vous mange la chatte lentement et avec délicatesse puis de plus en plus goulûment au cours du temps , votre ami ?
— Non. Enfin si, mais...
— Et est-ce qu'il a un engin gros et déjà dur et gonflé pour vous  ? Est-ce qu'il vous traite de « bouffeuse de bite » quand vous le sucez ? Est-ce qu'il vous asperge la figure de son foutre et vous en met aussi plein les cheveux  ?
— Non...
— Bon, mais est-ce qu'au moins vous en avez déjà reçu plein la figure ?
— Non. C'est... c'est des trucs que j'ai vu dans des films...
— Alors c'est de là que ça vient, votre histoire, d'un film que vous avez vu ?
— Oui. Comme il est pas là moi ça me manque alors un jour j'ai loué un film avec une copine et on l'a regardé. C'est vrai, vous avez raison : la scène je l'ai prise dans le film.
— Donc le coup de servir à dîner nue, c'est aussi inventé.
— Oui, mais ça c'était pas dans le film ! C'est moi qui en ait eu l'idée.
— Ah ! Et ça vous plairait ?
— De quoi ? De le faire en vrai ? Sûrement pas. Je trouve que ça serait me rabaisser.
— Oui, c'est d'ailleurs ce que vous expliquez, ensuite : Mais moi pauvre pomme, je suis prête ce soir là à exaucer tous ses caprices et donc me voici en train de servir mon mâle nue . Dans le texte, vous le faites quand même...
— Dans le texte, oui, mais en vrai sûrement pas !
Il se tait un moment tout en l'observant avec attention. Ce qui a le don de la mettre mal à l'aise.
— Mais vous ne m'avez toujours pas dit si vous aimiez ou pas, ne peut-elle s'empêcher de lui demander, au moins pour que cesse ce regard.
— Comment voulez-vous qu'on aime ?, lui dit-il alors. C'est un collier d'idées reçues, de situations convenues, d'images toutes faites : le bel inconnu athlétique, gentil et doux, membré comme King Kong, viril comme la statue de la liberté, macho et vicelard juste ce qu'il faut, avec en face la jeune fille toute timide mais pétrie de désirs, qui ne s'est pas fait mettre depuis des lustres et supporte donc en gémissant de bonheur les pires insultes et les assauts les plus saillants... Qu'est-ce que cela a à voir avec la jeune fille que j'ai en face de moi ? La seule chose de personnel, dans votre récit, ça m'a l'air d'être ce fantasme de servir un dîner toute nue.
— Je... Si j'avais écrit sur mon mec, se lance Amélie, ça n'aurait pas été drôle du tout ! A part me la fourrer dans la bouche et réclamer à corps et à cri de pouvoir m'enculer, je ne vois pas ce que je pourrais écrire...
— Eh bien au moins serions-nous plus près de la vérité, lui répond-il. Non pas la vérité pour la vérité - car ce peut être aussi bien la vérité du fantasme - mais pour la sincérité, pour l'engagement. Vous comprenez ?
— Non.
Il réfléchit un instant, puis se penche vers elle.
— On pourrait essayer, lui dit-il. Vous m'invitez à dîner. Vous me servez nue, ou comme vous voulez, et ensuite vous en faites le récit.
— Ou bien, fait Amélie, finaude, ou bien je vous le raconte direct sans qu'on soit obligés de le faire en vrai.
Il sourit. Et lui tend la main :
— D'accord. Passez me voir dans mon bureau demain vers sept heures. Ça vous va ?
Elle tope :
— Marché conclu !

— En fait, commence Amélie le lendemain, en fait j'ai tout soigneusement préparé pour ce dîner. Par exemple je n'ai pas fait un truc unique, genre pot-au-feu ou cassoulet mais des tas de petits plats, ce qui fait que j'ai tout le temps besoin d'aller à la cuisine pour les chercher. Parce qu'il faut vous dire que, quand vous arrivez, je suis évidemment habillée tout à fait normalement. Je veux dire un corsage, une jupe et tout ce qu'il faut en dessous. La surprise, c'est pour plus tard. Bon. On prend l'apéritif et tout. Ensuite, je suggère qu'on passe à table. Le couvert est mis et vous vous installez. Moi je file à la cuisine chercher le premier plat. De là, je vous demande si tout va bien et si vous n'avez pas trop chaud. Vous me dites... Vous me dites...
C'est à peine s'il l'écoute. Mais comme le récit s'interrompt, il se réveille brusquement.
— Je vous dis... Je vous dis que oui, bien sûr, qu'il fait une chaleur à crever.
— C'est fou ce que ça vous captive, mon histoire... Passons. Je reviens donc avec le premier plat.
— Tout habillée ?
— Eh bien oui ! Si j'enlève tout dès le commencement, comment voulez-vous que ça tienne jusqu'à la fin du dîner ?
— Il me semblait que vous deviez être nue dès le départ. Ça se transforme en strip-tease, votre affaire...
— Ça n'en sera que plus excitant, non ?
— Oui, mais désespérément long !
— Ce que les hommes peuvent être impatients ! Je continue ?
— Faites, je vous en prie. Il fait chaud. Très chaud.
— Je vous demande donc la permission de me mettre à l'aise et je me défais de mon corsage.
— Et en dessous vous êtes nue ?
— Non. Je garde mon soutien-gorge.
— Et la jupe ?
— Eh bien je la garde aussi. Jusqu'au prochain plat...
— Et de quoi parlons-nous ?
— De tout et de rien. Vous me racontez des choses.
— Quel genre de choses ? Des choses cochonnes ?
— Bien sûr que non !
— Alors on s'ennuie ferme dans votre dîner !
— Ensuite, je dois retourner à la cuisine...
— Ah !
— Et là, quand je reviens...
— Vous avez retiré la jupe !
— Non. Le soutien-gorge.
— Bon. C'est déjà ça. Comment sont-ils ?
— Qui ça ?
— Eh bien vos seins !
— Ils sont... Eh bien ce sont mes seins. Ils sont... Qu'est-ce que... Qu'est-ce que vous faites ?
— Je me branle. C'est un récit érotique, non ? C'est fait pour exciter le lecteur, alors je m'excite... Ça vous dérange ?
— Non, mais...
— Bon, alors vos seins ? On y arrive ?
— Mes seins ? Oui ! Mes seins. Ils sont relativement petits mais très fermes au toucher. Et puis ils sont très sensibles.
— Alors ils bandent ?
— Non. Pour cela il faut les caresser.
— Et je ne peux pas ?
— Uniquement avec les yeux ! Mais autant que vous le souhaitez. Car je me suis rassise en face de vous et je vous laisse tout le loisir de les regarder.
— C'est déjà ça ! Et ensuite ?
— Ensuite il faut aller à la cuisine chercher les plats suivants...
— Mon Dieu !
— Ne vous moquez pas ! Tout ceci est très sérieux. Et contrairement à ce que vous avez l'air de croire, ça n'est absolument pas une histoire pour se branler, mais une sorte de cérémonie. Je retourne à la cuisine, donc, et quand j'en reviens, je suis...
— Toute nue ?
— Oui !
— Vraiment ? N'a-t-on pas sauté une étape ?
— Si, mais j'ai eu pitié. Regardez ! Vous n'arrivez même pas à bander...
— C'est que votre histoire n'est pas très émoustillante. Du moins jusqu'à présent...
— Je crains qu'elle ne le soit pas plus ensuite...
— Pourquoi ?
— Parce qu'en réalité, nue ou habillée, ça ne change rien : on continue à dîner.
— Ah ! Vraiment ?
— Oui.
Et Amélie, posément, de continuer son récit, l'oeil rivé, pourtant, à sa main qui enserre mollement sa queue et la branle sans trop y croire.
— Je vois, fait-elle au bout d'un moment, je vois que ça ne vous fait pas beaucoup d'effet...
— En effet, répond-il.
— Vous... Vous voulez de l'aide ?
— C'est pas de refus !
Amélie alors s'approche et, comme il retire sa main, s'empare de la queue et commence à la caresser...
— Là, dit-il. C'est beaucoup mieux. Vous êtes une manuelle, ma chère Amélie. Une manuelle.
— Vous voulez dire que je ne suis pas douée pour les histoires...
— C'est que ça n'est pas si facile, en fait... Manier les mots... Manier les mots, Amélie, on croit toujours que c'est à la portée de tout le monde. Mais c'est horriblement difficile, en fait. Il faut savoir suggérer, savoir captiver, savoir surprendre...
— Notez que c'est un peu la même chose pour les queues...
— Oui, c'est vrai. C'est un peu la même chose... Mais il me semble que pour les queues, Amélie, vous êtes, disons plus...
— Douée ?
— Douée je ne sais pas, mais habile oui, certainement. Je vous donnerai même volontiers ma bénédiction !
— Déjà ? Attendez un peu !
— Si vous voulez, mais pas trop... Parce que, là, je vous assure, vous êtes efficace...
— C'est que je m'entraîne...
— C'est bien. C'est très bien. Il faut s'entraîner. C'est indispensable. C'est comme une langue étrangère, en réalité. Vous pratiquez aussi les langues étrangères ?
— Ça vient ?
— Ça ne va pas tarder, oui...
— Je veux bien essayer...
Bonne pâte, Amélie se penche et l'embouche. Quelques va et vient suffisent pour qu'il décharge.
— Vraiment, fait-il après avoir repris son souffle, vraiment je vous conseille cela : ne vous occupez plus d'écrire. Oubliez les mots. Concentrez-vous sur les aspects pratiques. C'est dans cette direction que vous avez de l'avenir, je crois...
— Je veux bien vous croire, cher Maître, conclut Amélie en souriant. Mais pour terminer cette leçon de manière profitable, je crois qu'il faut que vous m'en fassiez le récit... Et je compte sur vous pour qu'il soit bien excitant, ajoute-t-elle en se réinstallant dans son fauteuil et, la jupe soulevée, en glissant sa main dans sa culotte.
— Le récit ? Pourquoi pas ?   Oui. Vous avez raison. Mettez-vous à l'aise. C'est ça. Laissez-moi voir, un peu, ça m'aidera sûrement. Là, c'est parfait. Adorable, même, tout ce qu'il y a de plus adorable. Vous y êtes ? On peut commencer ?   Alors voilà comment les choses se sont passées : tout est arrivé à cause d'une dispute. Imaginez un peu les choses : il était dans son bureau, occupé à un dossier particulièrement ardu quand il a entendu, dans le bureau de sa secrétaire, des voix qui s'élevaient. Une dispute. On était en train de se disputer. Au début il n'y a pas prêté attention, mais ça s'est prolongé alors à la fin il s'est levé et il est allé voir...


© Thomas Lelong, 2001